Généralement, tu n'es pas le genre de personne à montrer ton humeur, qu'elle soit bonne ou mauvaise. Surtout si elle est mauvaise à vrai dire. Ton rôle étant de sublimer le monde, tu ne pouvais pas paraître sous un mauvais jour. Les images étaient primordiales pour toi, et même si tu te levais tous les jours avant six heures, tout de toi devait rester aussi parfait que possible. Tu t'étais façonné comme ça, et c'était cet aspect que les gens avaient l'habitude que tu renvoies. Et celui que tu aimais renvoyer qui plus est.
Malgré tout, à chaque règle son exception, il t'arrivait tout de même d'avoir le teint légèrement plus pâle – et ce, même avec les quelques corrections que tu lui apportais –, la mine sombre, et ton envie de faire des chefs d'oeuvre disparaissait. La plupart du temps, tout cela arrivait quand tu faisais une insomnie à cause de terreurs noctures. Tu y étais sujet depuis toujours, mais ton mutisme avait fait que tu n'avais jamais réveillé personne, et tu n'en avais jamais fait mention à qui que ce soit. Quand tu étais petit, tu pensais que ça partirait. Quand tu étais adolescent, tu ne voulais pas en parler. Et après, tu n'avais personne à qui en parler. Surtout que tu n'avais pas de traumatisme particulier – à part avoir été mort une fois, mais on s'y fait assez vite.
Tu faisais juste des cauchemars d'une logique horrifiante, que tu croyais vraiment les vivre. Si logiques qu'ils différaient même de tes rêves dans leurs discours les plus bruts. Normalement, quand tu es dans les bras de Morphée, tous les dialogues de tes rêves se trouvent être en langue des signes. Même de la part des gens qui ne savent pas du tout communiquer comme ça. À l'inverse de tes cauchemars, où seules les personnes dont tu as connaissance qu'elles parlent l'une de tes langues, te la parlent aussi dans tes songes.
Ce qui rendait la chose réaliste et terrifiante. À chaque fois.
Ca ne t'arrivait pas tout le temps non plus, mais une fois par mois ou tous les deux mois. Tu n'étais pas le genre à aller voir des hypnothérapeutes, des neurologues ou autres spécialistes du sommeil. Tu y avais pensé, mais ce n'était pas ton genre. Alors tu avais réussi à créer ta propre thérapie pour retrouver ton image dans la journée.
Il était rare que tu fasses une halte à l'accueil de la Grande Tour. Amadeo avait beau être l'une – voire la – personne que tu affectionnes le plus, le travail, c'est le travail. Ta zone à pyramide lui était ouverte s'il voulait venir te voir, et tu savais que c'était réciproque. Mais tu évitais pendant tes heures – déjà que le salaire te convenait vraiment à peine, tu n'avais pas l'intention de prendre de risques non plus. Ça ne t'empêchait pas d'avoir instauré ce rituel. Après chaque terreur nocture, tu restais éveillé pour le reste de la nuit, prenant le temps de te préparer, pour arriver plus tôt au bureau et rester à l'accueil pendant un temps. Rester avec la personne qui sait et qui saura quoi faire.
Tu arrivas donc avec cette mine un peu plus terne qu'à l'accoutumée, et tu allais derrière le comptoir de l'accueil, comme si c'était chez toi. Tu attrapas l'une des chaises roulantes disponibles et tu t'installas dessus, en cherchant de quoi écrire. Sortir le téléphone de ta poche te demandait un trop gros effort mental actuellement, alors que tu étais loin d'être fainéant. Mais tu n'avais pas encore eu ta dose d'Ama-thérapie. Alors tu attrapas un post-it – rose néon – et tu écrivis dans une belle écriture au stylo noir dessus ;
“Désolé Ama, c'est le mauvais jour. T'as des bonnes histoires pour me changer les idées ?„
Sans même remarquer s'il était déjà arrivé – ou même s'il était en train d'arriver –, tu collas le post-it sur le téléphone de l'accueil, parce que tu étais sûr qu'il le verrait avec ça. En attendant, tu croisas tes bras sur le bureau et tu mis ta tête dedans. Essayer de penser à autre chose qu'un cauchemar en fermant les yeux n'était pas une bonne idée, mais heureusement, la soupe aux ragots n'allait pas tarder à arriver.
Your hand looks heavy. Here, let me hold it for you.
Une nouvelle journée commençait, il faisait beau dehors, tu t'étais levé du bon pied... Nickel. Vers quatre heures du matin tu t'étais levé dans le lit d'un des infirmiers de l'entreprise. Il savait comment gérer ses doigts et pas forcément autours d'une seringue. Bref. Tu lui caresses son visage encore endormi, lui embrasse le front avant de murmurer un "On se voit tout à l'heure darling~", n'obtenant qu'un 'oui' encore endormi. Ton premier reflex tout de suite après être sorti du lit fut déjà d'attraper ton portable, partant sur Twitter et Facebook afin d'être au courant des dernières nouvelles. Tu avais plein de message privés, tous de tes adorables informateur. Ils sont trop mignon~ En échange de services ou de payement en nature ils te donnaient les moindres petits potins qui pouvaient traîner, vrais ou faux. Pendant que tes MP chargeaient, tu t'habillais avant d'avaler une pilule, tu n'allais pas rentrer chez toi alors que tu es tout violet.
Une fois prêt, tu sors de chez l'infirmier avant de taper ta maison sur google maps. Tu ne sais pas t'orienter seul. Tu sors alors de son immeuble, les écouteurs vissés dans les oreilles avec la musique à fond. Wow, tu es trop frais. Tu te voyais dans la fenêtre du tram, tu pourrais tomer amoureux de toi. Pas étonnant qu'on tombe à tes pieds. Et dire que tu es difforme pour quelqu'un de ton espèce... Combien de cœurs as-tu brisé en étant si beau? Énormément. Bref, tu fais le tour des réseaux sociaux de toutes les personnes que tu stalke suit par curiosité et pour leur propre sécurité. Ah! C'est ton arrêt. Juste derrière l'arrêt du tram se trouve la porte de ton immeuble. Alors tu entres, allant à ton appartement, toujours plongé dans ton portable. Quoi? L'autre réceptionniste avait liké toutes les photos d'un commercial? Ouloulou, encore un scoop a raconter ☼
Une fois chez toi, tu files à la salle de bain, passant de quatre heures trente à cinq heures quarante cinq dans ton bain a écouter de la musique tout en postant sur les réseaux sociaux. Tu avais toujours ta forme humaine, elle allait durer jusqu'à neuf heures, soit une heure après le début de ton shift. Alors tout vas bien, tu ne passeras pas trop de temps dans ce corps de merde... Tu ne supportes pas de ressembler à un humain, c'est moche un humain. Le seul humain qui est aussi beau que toi, c'est Yin. Ton bro, ton confident, ton époux. Tu sors de l'eau mousseuse ta main ou un anneau s'y trouve. Ah, tu as oublié de l'enlever après le coup dans le tram de la veille, oops. Tu la retires délicatement avant de la poser sur le rebord de la baignoire, terminant de te prélasser dans ton bain à la rose, ton masque d'argile sur le visage.
Une fois sorti du bain, tu ne coiffais même pas tes cheveux après tout, tu allais reprendre ta véritable forme d'ici peu et là tu pourras te coiffer. Tu t'habilles et tu te poses devant le miroir de ta salle de bain, te maquillant légèrement. Tu préfères quand c'est Yin qui le fait mais là, il n'est pas là. Une fois prêt, tu sors, il est six heures quarante cinq. Il fait bon dehors et tu te diriges vers le tram, toujours le nez fourré dans ton portable. Tu soupires en voyant certaines photo de personnes horribles avant que tu n'entres dans le wagon ouvert devant toi. Tu n'avais rien mangé mais tu es nul en cuisine, alors sur le chemin du travail tu t'arrêtes toujours au Starbuck pour te prendre un cappuccino avec un cookie au chocolat. Cette fois-ci tu en pris deux, et un café bien noir. Tu avais cette impression que tu allais tomber sur le soleil de ta vie dès le matin. Tu glisses les deux cookies dans ton sac et tu attrapes les deux boissons chaudes, te dirigeant au niveau de l'entreprise.
Tu entres dans l'entreprise à sept heures trente précisément, comme d'habitude. Tu salues l'agent de sécurité d'un clin d'oeil avant de te diriger d'un air gracieux au niveau de ton bureau. C'est là que tu tombes sur... L'amour de ta vie, le grand, le beau Yin. Qui avait l'air d'avoir passé une mauvaise nuit. Tes yeux tombent sur la note laissée sur ton téléphone avant que tu ne souris grandement, posant le café bien noir juste en face du blond. Tu t'installes dans ton fauteuil, sortant les deux cookies avant de venir papouiller les cheveux de ton bro de potins. Alors tu attrapes ton portable, tapant à toute vitesse.
Mal dormis...? Tu aurais du venir chez moi, j'y étais de 4h45 à 6h40!!!
Tu soupires avant de réfléchir, par quoi commencer... Tu avais tant de chose à lui raconter et pourtant, tu étais chez lui jusqu'à vingt-trois heures quarante-cinq la veille.
Tu vois l'autre réceptionniste là, la rouquine un peu trop laide. Il paraît qu'elle sort avec un commercial d'ici. Mais ce n'est pas tout, elle aurait des vues sur Zzeit. Elle compte se taper tout les T-Rex ou comment ça se passe? Et aussi, l'infirmier plutôt mignon dont je te parlais, c'est un putain de dieu au lit. Il n'est pas doué que pour palper~
Tu avais signé tout cela en langue des signes américaines. Tu apprenais pour que ce soit plus simple pour lui après tout, si vous deviez tout écrire, ce serait si pénible vu comment vous parlez. Donc il y avait deux trois petites fautes mais c'était tout de même compréhensible.
En sentant une main sur ta tête, tu relevas cette dernière. Tu savais qu'il n'y avait qu'une personne pour faire ça, alors tu ne protestas pas. Tu regardas le téléphone le téléphone de ton ami en haussant les épaules. Tu savais que tu aurais pu venir chez lui, ou lui demander de venir chez toi. Mais tu n'avais pas voulu le déranger plus que ça, étant donné qu'il était parti de chez toi relativement tard la veille - et que tu t'étais endormi dans la foulée.
L'odeur du café noir te fit fermer un peu les yeux et humer la fragrance de ce dernier. Ca te mettait déjà de meilleure humeur. L'Amathérapie fonctionnait déjà parfaitement. Tu rouvris les yeux en prenant ton café dans une main et tu regardas les signes du réceptionniste. Un léger sourire prit place sur ton visage, en voyant les quelques fautes qui trainaient. Mais il se débrouillait tout de même vraiment très bien pour quelqu'un apprenant ta langue depuis peu. Et tu lui en étais très reconnaissant. Tu préférais largement communiquer comme ça.
“Si Zzeit était un T-Rex j'aurais pu confirmer tes propos. Je sais même pas comment elle peut avoir des vues sur lui. C'est évident qu'il est hors de sa portée. Même moi je peux le dire.„
Tu bus ton café en regardant Amadeo. Tu étais habitué à le voir autant sous sa forme humaine que sous sa forme normale. Peu de temps apres, tu reposas ton café sur le bureau pour lever les mains et lui arranger les cheveux. Tu savais qu'il aimait prendre soin de lui, alors tu n'aimais pas le voir décoiffé. Et tu aimais prendre soin de lui aussi. C'était un peu ta pierre précieuse, mais déjà polie. Comme envers tout le monde, tu ne tomberais jamais amoureux de lui. Mais il était la personne à part. C'était plus qu'un ami. A la vie, à la mort.
Tu bougeas tes pieds pour rapprocher ton fauteuil du sien et poser ta tête sur son épaule. Ton esprit était encore sous les effets de ta mauvaise nuit, alors tu étais légèrement endormi. Tu avais des habitudes et tu avais besoin de ton nombre d'heures de sommeil. Un enfant, au final. Sur tout ce qui concernait le sommeil, tu restais un enfant. Huit heures de sommeil étaient nécessaires. Sinon ton teint était mauvais, ta fatigue était importante, et ton humeur n'était pas au top.
Heureusement, Amadeo était là.
“Et ton infirmier là, il est pas doué que pour palper ? C'est à dire ?„
Même si tu n'étais pas si innocent que ça - tu savais quand même comment les gens venaient à procréer et ce genre de blabla - il y avait beaucoup de choses que tu ignorais quand même. Notamment les métaphores et autres comparaisons en rapport avec ce sujet. Tu n'arrivais pas à saisir la totalité des subtilités de ce que les gens faisaient pendant l'acte ni même ce que ça leur procurait. Mais si Amadeo le disait, c'est que c'était vrai. Tu n'avais aucune raison de ne pas lui faire confiance.
Tu cassas ton cookie en deux pour le tremper dans ton café avant de le manger. Il avait aussi pris le cookie que tu aimais le plus. Pas trop cuit. Qui ne s'émiette pas. Un petit déjeuner parfait. Tu n'arrivais même plus à savoir si tu avais déjà mangé ce matin vu que tu étais toujours un peu confus, mais tu te remettais doucement de tes émotions. Grâce à ton attention que tu pouvais détourner de tes terreurs, parce que la thérapie était là.
“De toute façon, tant que tu y trouves ton compte, c'est le plus important. Si y'en a un qui te fait chier, tu sais que je suis là, Ama.„
Encore une fois, tu avais posé ton gobelet pour signer, mais tu avais gardé ton cookie avec toi pour être capable de le manger juste après. C'était beaucoup trop bon pour que tu t'en passes. La prochaine fois, tu lui apporterais son petit déjeuner aussi. Un jour où tu commenceras plus tard que lui, tu lui apporteras son du. Et tu feras les choses en grand. C'est pas comme si c'était n'importe qui. Il est la personne pour laquelle tu acceptes de dépenser de l'argent sans grimacer. Vraiment, tu le voyais comme ton âme-soeur. Ou ton âme-frère, dans votre cas.
