Les fois où tu sortais seul, ça concernait la plupart du temps ton travail. Malheureusement – ou bien heureusement vu que tu aimais travailler –, tu faisais un métier qui nécessitait de réfléchir seul, au calme, pour s'avancer et arriver le lendemain avec une idée brillante – presque autant que toi. Pour les sorties hors professionnelles, tu avais quelques contacts vraiment assez présents pour toi pour t'organiser un truc à la dernière minute, que ce soit en journée ou dans la nuit. Si tu ne prévenais pas de tes sorties, c'était simplement que tu avais besoin d'être seul, à réfléchir.
Tu étais aussi de ceux qui ne considérait pas ta surdité et ton mutisme comme des handicaps. Au contraire, surtout maintenant. Ça te permettait d'aller absolument n'importe où, personne ne serait en mesure de te déranger, puisque tu n'entendais pas le bruit autour de toi. Il n'y avait que toi, et tes pensées – qui étaient aussi signées et visuelles soit dit en passant, ce n'était pas comme si tu pouvais avoir la fameuse voix dans ta tête.
Et, alors que tu commençais à manger ton boeuf bourgignon d'une main – spécialité française par excellence, tu avais d'ailleurs pris une photo pour Reaper de ça, tu savais qu'elle aimait la France, alors ça te ferait un sujet de discussion pour la prochaine fois – tout en griffonant sur ton carnet de l'autre, quelqu'un arriva face à toi. Sans aucune forme de respect. Tu reconnaissais bien celui à qui tu avais décliné une invitation une fois. Tu ne le sentais pas ce type. C'était juste un instinct. Il était trop mielleux pour toi.
Tu soupiras d'avance. Une sangsue mielleuse.
Déjà agrippée à ta jambe.
Tu pris le temps de manger ton morceau de viande, avec une lenteur maîtrisée et volontaire, avant de poser ta fourchette ainsi que ton crayon, pour pouvoir lui répondre – après avoir avalé, le "on ne parle pas la bouche pleine" s'appliquait à toi aussi.
“
T'es la seule personne à trouver ça amusant.„
Evidemment, tu réalisas que tu n'avais pas la moindre idée de son nom. Si ça se trouve il était arrivé après toi dans la boite. Ca faisait deja quelques années que tu y étais après tout – même si tu restais relativement discret avec les personnes non concernées directement par ton travail, ou qui n'était pas dans ton cercle de proches. Et puis, si quelqu'un se présentait au service, tu ne l'entendais pas pour des raisons évidentes.
Tu croisas les bras quelques instants en le détaillant de bas en haut. Tu ne cachas pas du tout ta réticence, ni ton ennui à le voir ici. S'il voulait jouer aux personnes aimables, tu saurais le faire aussi, mais tu n'en avais pas vraiment envie de base.
“
C'est tout ce que t'avais à dire ? Je travaille.„
Tu rebaissas les yeux, non pas par intimidation, mais pour en effet continuer ton repas tout en te remettant à dessiner tes projets. Projets qui étaient bien plus intéressants qu'une sangsue. Qui t'était quasiment diamétralement opposée dans vos couleurs.
Merci, mais non merci.
Emi Burton