L’ennui. Le sale ennemi, âcre folâtre, qui périme, boursoufle, brise, chacune des pensées et de l’existence de Vivante. Oh l’ennui, et la fatigue, trop de temps à perdre, trop longue éternité. Et puis l’envie, le besoin, le fournil incessant de son cerveau, de ses méninges pour faire avancer son grand jeu, son grand plan, et enfin réussir à trouver la paix. Oui l’ennui et l’envie, l’appétit et des bombes à disséminer pour tromper son effarouchement. Alors Vivante cherche des moyens de s’occuper, et quel moyen plus problématique, amusant, tonitruant, que de quérir un employé au hasard et d’aller l’asticoter assez pour le faire sortir de ses gonds. Enfin, encore faudrait-il que l’employé en question n’ai pas peur de son existence, de passer de nouveau l’arme à gauche dans des souffrances indescriptibles. Mais c’est ce qui est divertissant aussi, n’est-ce pas ?

Aujourd’hui, sa victime, choisie au hasard dans sa si longue liste, sera donc Cédric Merciless. Oh cher Cédric, cher enfant, que Vivante a observé depuis tellement longtemps, depuis le début de son existence jusqu’à ses neuf années de travail au sein de l’Entreprise. Lui a t-elle offert, exprès, un sale poste, pour le rendre fou ? Oui sans aucun doute, car après tout Vivante La Faucheuse ne mériterait jamais le prix de PDG de l’année. Pour cela, faudrait-il encore qu’elle décide de revoir un peu les droits et le confort de ses employés. Par exemple, ne plus faire signer des contrats valables pour l’éternité, donner des RTT, augmenter les salaires, et puis surtout arrêter de faire exploser des travailleurs. Mais tout cela serait hautement improbable, bien évidemment, venant d’elle.

Néanmoins, il lui fallut peu de temps pour se rendre au prochain lieu de crime, une poussière d’espace à vrai dire, et dans un nuage de paillettes multicolores, dans une explosion trop vive, trop criarde, la voilà donc à flotter dans son dos. À souffler dans sa nuque avant de rigoler doucement.

-  Salut Cédric ! Vous êtes le poète maudit, n’est-ce pas ?

Un grand sourire, elle tape dans ses mains avec amusement, le visage idéalement penché. Flottant doucement, appréciant grandement avoir vu chacun des travailleurs déguerpir à son arrivée. Oh, ils connaissaient bien leur leçon, chacun laissant une distance d’au moins quinze mètres avec elle. Chacun ayant finalement un café à aller chercher, une pause à prendre, un dossier urgent à imprimer ou a envoyer. Oh oui plus personne quasiment, plus personne assez proche pour sauver l’humain de l’Entité. Alors Vivante s’amuse profondément, assez pour se permettre de tournoyer sur elle-même, de tirer par la pensée une chaise jusqu’à sous ses fesses avant de se laisser choir bruyamment. Un petit soupir d’aise, ses jambes étendues et ses pieds posés sans ménagement sur le bureau de sa nouvelle proie.

- Alors dites moi, c’est quoi votre métier à vous déjà ? Vous me montrez un peu votre avancée ?

Elle explose de rire, englobant la pièce de sa voix fluette, le laissant se répercuter sur les murs de verres, sur le sol et le plafond transparents. De son rire qui pourrait paraître si innocent, si pur et vivant et qui pourtant change totalement lorsqu’il touche quelqu’un de plein fouet, le transperce, parcoure son âme. Changeant si facilement pour ne laisser plus que l’absence de tout, plus que la noirceur et la solitude de la mort. Fourbe, vicieuse, sourire affiché sur son visage parfaitement maquillé, de ses lèvres pleines bien tracé, elle reprend d’une voix plus profonde, venue d’outre-tombe.

- Oui Cédric, il s’agit bien d’un contrôle surprise ! Je ne vous sens pas vraiment ravie par cette information !