alix & andrea

andrea n’a jamais doutée que la vie pouvait basculer d’un seul coup. qu’il suffisait d’un petit événement pour en déclencher d’autres, plus gros, plus frappant. comme des dominos qui tombent sous un battement d’aile de papillon. elle avançait dans la vie avec cette certitude absolue: il fallait s’attendre à tout.
elle eu raison. sa vie bascula en un clin d’œil, au moment où elle s’y attendait le moins. ou plutôt, sa mort bascula. parce qu’il fallait regarder les choses en faces: andrea était morte.

pas vraiment, en fait. elle ne comprends pas trop où est-ce qu’elle doit se situer. elle est morte, certes. d’une chute stupide dans les escaliers. ridicule. mais belle et bien mortelle. cependant, au lieu d’avoir le cerveau éteint et le coeur immobile, andrea a ouvert les yeux pour y découvrir une femme.
la faucheuse.
première révélation déjà: andrea n’était morte. du moins pas dans le sens qu’elle s'imaginait du haut des ses 22 ans d’existences d’athée.
seconde révélation: la mort en personne existait et commençait à lui tapper la discussion. étrange, surprenant, mais encore acceptable.
dernière révélation: la faucheuse voulait l’embaucher et lui fit signer son tout premier contrat de travail.

voilà qu'andrea se retrouve à présent dans l’entreprise aussi célèbre que mystérieuse: l’ultimate death compagny.

et toujours vivante. plus ou moins. elle ne sait pas trop.
dans tous les cas, il lui est maintenant impossible de retourner en arrière et il fallait bien accepter sa nouvelle condition. dans l’entreprise, la faucheuse lui a donné le rôle de secrétaire. ce poste convenait à andrea, qui s’imaginait organisé des rendez-vous, prendre des notes, gérer des documents excels et servir du café.
mais non. loin de là.
parce que sa supérieure direct est un putain de fantôme.
fantôme actuellement en train de lire un livre sur la physique quantique en fronçant les sourcils.
ça n’a aucun sens.

“Hey. Andrea. Qu'est-ce que tu penses des fantômes ?”

la concernée par la question fait mine de relever la tête, la vérité étant que cela fait un moment qu’elle observe alix, cachée derrière son ordinateur. elle est un peu surprise par la question, mais elle ne peut réprimer une pointe de joie. cela fait maintenant trois jours qu’elle travail avec elle, et andrea a encore un peu de mal à s’acclimater complétement à sa nouvelle vie. elle apprécie pour le moment alix, mais ne peut s’empêcher une timidité dû à leur rang dans l’entreprise.
le fait qu’alix soit aussi détendue et naturelle avec elle l’aide beaucoup à se sentir à l’aise.

“hm… vous voulez dire si j’oublie que je viens d’apprendre qu’il existait une multitude d’espèces non humaines ici ?”

question rhétorique. mais andrea réfléchit à voix haute.

“bah, pas mal de chose du coup. déjà vous pouvez léviter, ce qui est beaucoup trop stylé à mon sens. c’est comme si votre corps ne pesait plus une gramme et qu’il échappait aux lois physique comme la gravité.”

andrea aimerait bien savoir léviter elle aussi. si elle avait eu cette faculté de son vivant, elle ne serait probablement pas morte en tombant des escaliers.

“mais en vrai plus j’y réfléchis et plus je trouve votre corps étrange. il est là, bien présent dans notre monde, tout en étant absent. comme s’il y avait plusieurs degré de tangibilité, de ce que j’ai pu voir du moins. d’ailleurs, est-ce que c’est vous qui décidez de ça ? genre, quand vous voulez être matériel ou quand vous voulez pouvoir tout traverser ?”

ses yeux brillent, elle parle beaucoup. elle adore cette sensation de pouvoir laisser libre court à son esprit. les idées, les questions et les réponses s’enchaînent dans sa tête pour lui offrir de nouvelles possibilités à explorer. c’est jouissif.
elle est contente d’être morte, dans un sens. parce que la vie à udc est absolument incroyable. il y a tellement plus de chose à découvrir que sur terre ! entre les humains, les créatures, la faucheuse et l’otherside…

“du coup, j’en pense que ça à l’air stylé d’être un fantôme, mais qu’en même temps il y à l’air d’avoir pas mal de désavantage dont je ne saisie pas encore toute la nature. mais c’est cool et intriguant !”

elle sourit un peu, puis son regard se reporte sur l’écran d’ordinateur, comme si elle voulait fuir celui d’alix. elle a le sentiment d'avoir trop parlé, et avec une légèreté et un naturel trop familier. andrea est encore peu habituée à l’ectoplasme et à la hiérarchie de l’entreprise. elle ne voudrait donc pas l’embêter, paraître trop grossière ou ridicule.

“pourquoi vous voulez savoir ça, d’ailleurs ?”

c’est étrange pour un fantôme de poser une telle question à une humaine.

alix & andrea

elle ne peut s’empêcher de sursauter lorsque le visage d’alix arrive en face du sien. le fantôme vient de traverser l’écran de son ordinateur, empêchant andrea de s’y cacher plus longtemps. elle n’aime pas quand alix fait ça, elle se sent sans défense et prisonnière du regard de sa supérieur. n’ayant plus aucun endroit où se cacher. elle tente, par réflexe de reculer, comme pour fuir, intimidée. hélas, andrea est prisonnière de sa chaise de bureau, et n’arrive donc qu’à se faire toute petite dedans.
elle marmonne, contrariée:

“oui, pardon…”

en réalité, elle n’est pas désolée mais bon. politesse et hiérarchie obligent. alix se relève ce qui permet à andrea de se calmer un petit peu. elle n’aime pas l’idée que la tête d’alix flotte sur son écran d’ordinateur, bien que ça la rends curieuse et lui donne des idées. il faudra qu’elle lui demande comment c’est, à l’intérieur. est-ce qu’il y a plein de petits circuits et bidules lumineux ? probablement.

“ah oui je vois… bon c’est difficile à imaginer en temps qu’humaine mais… c’est comme si votre essence, votre matière ou… hm… je ne sais pas comment appeler ça… bref. comme si ça se dispersait et que ça n’arrivait plus à rester compact ?”

elle réfléchit, se concentre. parle toujours beaucoup.  essaye de se mettre à la place de l’ectoplasme pour appréhender ce qu’alix doit vivre au quotidien. qu’est-ce que ça donnerait, comme sensation, la dispersion ?

“un peu comme l’entropie en fait.”

qu’elle finit par lâcher, toujours en pleine réflexion. encore une nouvelle notion de physique. entre ça et la physique quantique, alix est servie. andrea n’est pas sûre que le mot entropie soit vraiment percutant, mais c’est ainsi qu’elle se l’imagine. comme un désordre grandissant dans les pensées et l’essence du fantôme. comme si tout s’éloignait petit à petit, se dilatait pour finalement se perdre dans le néant.

“vous me demandiez ce que je pensais des fantômes.”

elle lui réponds calmement. comme alix vient de le répéter, les fantômes ont de plus en plus de mal à garder leur concentration, et suivre le file d’une conversation ou d’un raisonnement peut parfois être difficile. andrea le sait et l’a bien remarqué: elle est là pour ça.
alors elle répète, la guide, patiente et bienveillante. elle lui sourit en attendant qu’alix reprenne ses esprits.