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Les Raisins de l'Angoisse [/!\ +18]
Cédric Merciless
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Cédric Merciless


Avec Marabella.


J’ai passé bien des nuits à errer dans ces rues. J’en connais depuis le temps tous les sons, toutes les odeurs, les parfums, les formes et la texture. J’en reconnais chaque contour. Comme du corps d’une ancienne amante, je pourrais en tracer le dessin les yeux fermés. En vérité je pourrais traverser la ville entière sans jamais m’arrêter, sans lever la tête un instant, et quand même me retrouver finalement pile à l’endroit voulu. C’est comme si son plan était imprimé sur ma peau, dans mes muscles, au fond de mon cerveau. Comme si l’eau de ses caniveaux coulait aussi dans mes veines. Pourquoi pas ? Et quand je marche l’esprit perdu dans les contrées du délire, à la poursuite d’un vers ou d’une idée, ou seulement absorbé par un rêve, je n’ai pas peur de me tromper de direction, de m’égarer par hasard. Je fais aveuglément confiance à mes pieds, et presque au sens propre. Car je sais qu’alors ils pensent à ma place. Ce sont eux les maîtres de ma dérive, qui décident inconsciemment du rythme, du sens et de la portée de mes excursions nocturnes, tandis que je me consacre librement à mes interminables obsessions.

Ce soir mes pas m’ont mené comme souvent du côté de Moon Vine. Depuis neuf ans que j’habite le Pinceau du Diable, neuf ans que je le hante en quelque sorte, je ne compte plus les fois où j’ai interrompu le cours de mon voyage méditatif pour aller refaire le plein d’inspiration dans l’un ou l’autre de ces bouges, en terrasse ou les coudes écrasés sur le zinc. Une bonne table n’est pas inutile non plus pour figer quelques petits mots sur le papier. J’ai toujours contre le cœur, dans la poche intérieure de mon veston, un carnet de note prévu à cet effet. Mais je préfère longtemps psalmodier mes strophes, peaufiner mes rimes en les roulant sur ma langue, en les sifflant du bout des lèvres, en les façonnant avec précaution, comme un argile délicat entre les doigts du potier caressant son œuvre tournoyante, et jusqu’à ce qu’elles composent une espèce de prière hypnotique.

Il m’arrive parfois d’ailleurs de frôler l’hallucination. Et ça n’a rien d’étonnant. Entre l’alcool et le manque de sommeil qui me liquéfient la cervelle, avec en plus les privations corporelles et les innombrables frustrations qui me travaillent le ventre et me scient les nerfs, alors quand l’inspiration m’emporte et m’enivre à son tour, j’ai de temps en temps l’impression de voir devant moi, sur un fond d’obscurité, un mur sombre ou le ciel en guise d’écran, se dresser soudainement les objets de mon étude. Ils m’apparaissent sous des formes plus ou moins nettes, le plus souvent très indistinctes du décor, très incertaines en fait, surtout de vagues silhouettes. Mais tout de même, il s’agit des fois d’un concept, ou d’une personne, ou même d’un concept personnifié, tandis que les personnes sont elles-mêmes très conceptualisées. Les corps se mélangent et se métamorphosent jusqu’à la difformité, jusqu’au grotesque. Et ce qui semblait d’abord un buste de femme, à la nudité plutôt voluptueuse, devient très vite une gargouille atroce, une chimère monstrueuse.

Oui, souvent, j’aperçois des monstres blottis ou surgissant des ténèbres. Mais la plupart d’entre eux m’ignorent et disparaissent en quelques secondes. Ils s’évaporent sans que j’ai besoin de les chasser de ma vue, de leur prêter la moindre attention. Ils ont leurs propres démons, je crois, et d’autres proies desquelles se repaître. Ce n’est pas moi qu’ils recherchent. Je ne suis pas celui qu’ils veulent déchirer, ouvrir en deux pour farfouiller dans ses boyaux, non. Alors que celui-là, ce monstre en ce moment devant moi, parait lui beaucoup plus consistant et plus tenace que d’ordinaire. Et c'est étrange. Je l’approche sans y penser mais il ne fuit pas. Au lieu de ça il tourne la tête dans ma direction, une grosse chose noire et carrée, surmontée d'oreilles en triangle, et pourvue d’une sorte de museau. Et même je crois qu’il me regarde. Je ne suis pas bien sûr parce qu’il se tient couché près d’une benne à ordure, à moitié dissimulé entre des sacs poubelle éventrés, au milieu des déchets éparpillés. On dirait que la bête a voulu faire un festin avec ce qui pourrissait là-dedans depuis des jours. Une odeur assez forte flotte dans l’air presque gelé de la ruelle. Exceptionnellement je m’arrête et ferme les yeux, en me disant qu’elle aura disparu cette fois, quand je les rouvrirais. Quelque chose comme l’instinct m’incite à bien insister, à persévérer plusieurs secondes dans le noir complet, alors qu’une fine pointe d’angoisse me pique l’estomac, afin de laisser tout le temps à l’illusion de se dissiper. On ne voudrait pas qu’elle prenne corps pour de bon, n'est-ce pas ?

Lorsque finalement je me décide à retourner l’affronter, je n’imagine vraiment pas qu’elle puisse avoir résisté à cette tentative d’effacement, à ma seule velléité négationniste. Et durant une ou deux secondes je pense effectivement avoir triomphé. Parce que la bête informe n’est plus couchée sur son lit de détritus. Non. Mais elle est debout. Elle se tient à présent sur ses quatre pattes, en plein travers du passage, et il est facile de songer qu’elle tient à me barrer la route. Je ne réalise pas encore. Je constate seulement l’existence bien concrète de ce monstre qui ressemble à peu près à un chien, mais un chien de la taille d’un beau cheval, bien costaud, bien musclé, avec autour du cou un poil très épais, emmêlé, comme une crinière hirsute, et de couleur sombre, peut-être brune ou même noire, et tout cela lui fait une allure à la rencontre entre le lion et le taureau. Un genre d'horrible chien-bison. Enfin le pire c’est surtout sa gueule bardée de crocs, bien visibles à la lueur des réverbères, et sous ses babines retroussées. Un long filet de bave relie de chaque côté son crâne à la terre ferme, dégoulinant en un flot ininterrompu de plus d'un mètre et demi de haut. Maintenant j’entends les premières notes aussitôt menaçantes d’un grognement sourd, comme un petit tonnerre échappé de sa poitrine énorme. Je crois qu’elle veut me faire comprendre que son précédent repas ne l’a pas tout à fait comblé et qu’elle aimerait sûrement rajouter ma pauvre viande à son menu.

Et moi j’aimerais que la peur m’apprenne à courir, au lieu de me paralyser. Je ne pensais sincèrement pas rencontrer ma seconde mort aussi vite. Et surtout pas ici, là, ce soir, aujourd’hui, maintenant, déjà. Dire que je ne trouve aucune pensée profonde, ni même une rime ou rien qu’une petite sentence bien sentie pour marquer l’évènement. Mais je vois cependant la bête qui se cambre. Ses membres plient lentement vers l’arrière, ses muscles se bandent, comme la corde d’un arc, dont la flèche serait trois cent kilos d’aberration et d’appétit dévorant. Faites seulement que le film de ma vie ne repasse pas non plus cette fois devant mes yeux, quand ses dents tranchantes transperceront ma chair comme des couteaux, et que mes os casseront comme des allumettes sous la pression meurtrière de ses mâchoires infernales. Pas nécessaire de rajouter l’insulte à la blessure, comme on dit chez nous. Enfin, de toute façon, puisqu’il faut bien re-mourir un jour... Aussi je le sais d'expérience, ça n'est qu'un mauvais moment à passer.

Le plus difficile vient encore après.
Jeu 30 Jan - 15:03
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Marabella-Rose Canterbury
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Marabella-Rose Canterbury
- Il y a eu un incident Commandante.

Encore. Je crois que le nombre de fois ou j’avais entendu ces mots, ces peines, était tellement incalculable que je ne pourrais me rappeler de chaque moment. En somme toute il y avait toujours des incidents, tout les jours de mon existence, car ainsi était fait mon travail. Cette fois Vivante n’était pas responsable, cela était tellement rare qu’il s’était saupoudré un peu de magie à la situation. J’avais envoyé au téléphone celui qui avait eu le malheur de m’appeler trouver Zzeit dont je me contentais de fuir son bureau pour le moment. Depuis que l’Entreprise tournait de nouveau plus ou moins normalement toutes les relations des principaux acteurs de cette mauvaise tragédie grecque s’étaient étiolés et il régnait une sorte de gène forte désagréable que personne ne semblait vouloir gérer. Alors il y avait des silences, et puis il y avait le travail à rattraper qui prenait bon nombre de notre temps.

Cette fois, et pour le peu dont j’avais écouté, il s’agissait donc d’une visite d’une quelconque milice armé qui avait mal tourné. Ils souhaitaient acquérir des Honds. Tout bonnement de très gros chiens avec bien trop de dents, comme tout les animaux de l’Otherside que nos locaux modifiaient à leur guise. Sauf que je n’avais pas était prévenu et il ne fallait pas compter sur les pignoufs de RIP Pharma pour pouvoir gérer pareille situation. Résultat des courses ? Douze morts sur les bras, totalement déchiquetés, et deux chiens de l’enfer qui avaient disparu que nous venions tout juste de me signaler. Normalement c’était ma nuit de repos, alors personne n’avait trouvé bon de m’appeler de peur des représailles, sauf qu’après avoir écumé tout les Chasseurs disponible personne ne voulait y aller. Tout ça a cause de cette putain de grève. Car depuis que Vivante était revenu chacun des employés participants à la chasse avait eu des congés exceptionnels comme récompense qu’ils sortaient de leur chapeau comme une carte chance.

Alors il devait être une heure du matin quand j’étais revenu en urgence au sein de Cuirs et Moustaches. J’avais dû quitter ma robe cendrée et mes talons vertigineux au profit de ma combinaison moulante de cuir et de mes cuissardes. Je déplaça les panneaux de protections en fer aux endroits stratégiques. Je n’avais pas besoin de maintiens le long de ma colonne vertébrale, peu de chance de subir des projections, néanmoins je me devais de renforcer mon épaule droite dans la possibilité de devoir utiliser mon Remington 870 P. Sur un fusil à pompe de cet acabit le recul pouvait être très violent et je n’étais pas assez grande, ni assez forte, pour risquer une luxation sans consolidation. Une fois totalement habillée j’attachai mes cheveux dans un chignon serré, signa les papiers adéquates pour récupérer mon fusil à pompe ainsi que mon Colt M1911. Besoin de rien d’autre, je n’étais pas du genre à m’encombrer de trop d’armes. J’accrochai le Remington à mon dos, le Colt à ma cuisse avant de sortir dans la nuit noire.

Fort heureusement, une mesure prise il y a moins de trois ans, chacun des CDNOs destiné à être vendu était équipé d’un traceur GPS, juste au cas ou. Je savais donc exactement où récupérer ces saloperies et j’espérais le faire assez vite pour pouvoir revenir à mon occupation initiale : boire et me droguer jusqu’à être incapable de la moindre introspection. Prendre une des motos de l’Ordre me semblait être une bonne option, les deux cibles se trouvaient à deux pâtés de maison d’écart de Moon Vine. Bien. Cela me faciliterait la tâche.

Le premier fut facile à trouver, mais il n’était pas loin d’une rue agitée et je voulais éviter de me faire trop remarquer. Je me mis à bonne distance, équipa mon silencieux sur mon Colt M1911. Contrôla ma respiration, et tira, deux fois. Ça ne suffit pas, bien évidemment, et déjà cette merde bondis sur moi. Elle courait bien plus vite que prévu. Je lui tira une dernière fois dans la tête, ce fut suffisant, mais il était trop tard pour éviter ses crocs qui arrachèrent un pan de ma combinaison, et me firent saigner abondamment. J’eus de la chance elle était morte avant de me les planter, j’aurais perdu mon bras à coup sûr. Je vida une dosette de désinfectant sur ma plaie, m’arrachant un gémissement de douleur, avant de la bander rapidement. J’avais était imprudente, bien évidemment,  l’alcool que j’avais déjà ingurgité y jouait sûrement un rôle. Je soupira, plus pour moi même que pour le cadavre avant d’appeler l’équipe de nettoyage pour qu’ils viennent le récupérer. Bien.

Il fallut trouver le second, ce ne fut pas bien difficile. Le type qui se trouvait avec lui par contre était imprévu. Je couru jusqu'à ses côtés, ne fit pas la même erreur et dégaina mon fusil a pompe. Un seul coup. Retentissant. Troublant ma vue et mon ouïe avant que la tête du chien n'explose a quelques centimètres de nos visage. Nous fummes tout deux éclabousser. Je me pinca l'arrête du nez avant de vérifier que machin était encore en vie.

- Vous. Vous ne bougez pas d'ici. Et...

Je m'approcha de lui pour fouiller rapidement dans ses poches et en sortir son portefeuille. Je chercha ses papiers, trouva son nom et lui tendis machinalement de nouveau avant de m'éloigner pour téléphoner.

- Ici Canterbury. Bon j'ai eu les deux. Envoie l'équipe de nettoyage. Par contre j'ai un témoin, un certain Cédric Merciless. Il bosse pour nous ? Trente six ans, bruns, yeux bruns, pas très grand et fin.  

J'ecouta sa réponse avant de raccrocher. Fort heureusement il s'agissait d'un humain que Vivante avait recruté. En plus de passer prêt de la mort une seconde fois il avait éviter un lavage de cerveau en règle. Je me détendis, moins de paperasses pour moi.

- Vous allez bien ? Je suis la Commandante de la brigade des Chasseurs. Je m'appelle Marabella-Rose Canterbury. Alors Monsieur Merciless vous avez besoin que je vous raccompagne quelque part ?

Je lui fis un bref sourire avant de repartir par de grandes enjambées vers le fourgon de l'Ordre qui venait d'arriver. Je leur tendis mes armes, remplis les papiers, obtenu une serviette pour lui et pour moi histoire de nous débarrasser au mieux des bouts sanguinolents. Puis je me désintéressa d'eux, les laissant embarquer la moto, le cadavres et effacer les preuves dans un claquement de doigts.

- Vous êtes vraiment blanc. Je vous offre un verre ? Nous ne sommes pas loin de Crimson Beer.

Un sourire charmeur, j'ouvris distraitement le haut de la fermeture de ma combinaison libérant mon décolleté, détacha mes cheveux et prit un substitut offert par Théodore pour oublier la douleur avant de plonger mon regard dans le siens.
Ven 31 Jan - 11:05
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Cédric Merciless
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Cédric Merciless





Après tout… après tout, c’est sûrement mieux ainsi.

Puisque tout hormis la mort n’est qu’une illusion. Un rêve. Une fiction… Tout ce qu’on vit, tout ce qu’on voit, tout ce qu’on veut, et tout ce qu’on touche, tout ce qu’on prend, tout ce qu’on donne, et même tout ce qu’on joue, tout ce qu’on jouit, et tout ce qu’on crève… Tout ça ne pèse rien dans la balance, une fois que la mort s’en empare.

De l’enfance au tombeau, la vie n’est qu’un songe. Triste ou gai, plaisant ou douloureux, ça n’a pas d’importance au fond. Un jour le réveil sonne, et voilà qu’on se couche dans notre dernier lit, tout entouré de bois, et le rêve est fini. Ça n’était pas grand-chose, non, vraiment. Rien qu’un petit rêve idiot, truffé d’espoirs, de grimaces, de chagrins, de renoncements surtout. De renoncer à tout, petit à petit, de l’amour à la haine, de la souffrance à la passion, se résoudre un peu plus chaque jour à l’indifférence reine, à l’oubli des ambitions, à son néant personnel qui nous apparaît lentement, de plus en plus clair, éprouvant.

Non, vraiment, de toute façon, vieillir n’est qu’une longue et lente, fastidieuse descente à la cave, un escalier qui sans cesse se raidit, à force de s’enfoncer sous les degrés de la déchéance. Et comme on a laissé la surface et la joie derrière soi, trop conscient des soubresauts du chemin, du chaos de la route, alors on s’entoure pour seuls compagnons de toujours plus de monstres impuissants, de blessures plus ou moins aseptisées, de fantômes fades et fuyants, au nombre exact de nos souvenirs… Et pourtant, pourtant, pour n’arriver à rien, finalement, sauf au fond du gouffre… Non, vieillir n’est qu’un cauchemar. Une trahison permanente.

Et la mort, une délivrance ?

Être, ou ne pas être. On en revient toujours là.

On aura beau lutter avec ou contre les autres, se conformer sans cesse à la comédie grotesque d’une existence civilisée, de s’attacher à des chimères communes, comme le mariage, comme l’avancement, la richesse, ou les enfants… Rien n’y fait. Impossible d’échapper à cette pensée. De se dire qu’au fond, nous glissons tous sur la même pente, et que le vide ordure est sous nos pieds, grand ouvert, au bout du toboggan, destiné à nous broyer, comme n’importe quel sachet plastique. Qu’il suffirait du coup d’un pas de côté, unique, de rouler sur le flanc, et hop…

Non seulement la chair est dérisoire, mais nos rêves encore plus.

Donc on se tient nuit et jour assis dans les mains de la mort, dans la lumière obscure de son regard de glace. Elle nous berce en silence sur son sein famélique, asséché comme toute sa peau de parchemin. On peut d’ailleurs y lire encore les mémoires des grands hommes, de ceux qui ont su marquer leur époque, à coups de plumes ou d’épées, plantés dans la chair du temps. Notre nom n’y figure pas. On est résolu. De toute manière, tous les noms s’effacent aussi, avec suffisamment d’années. Les souvenirs de l’Humanité s’éteindront avec elle. Ça n’a pas d’importance non plus…

Toute cette agitation est vaine, après tout, on le sait. On se débat seulement dans l’illusion, à poursuivre des mirages et les reflets de notre propre vanité. En craignant seulement la vérité. Et la seule vérité : c’est la mort.

Le reste n’est que digressions futiles et vaines quêtes animales, combats de chiens et de chats pour des jardins stériles, des petits bouts de trottoirs abimés. Ce sont juste des culs et des pénis qui s’emboîtent confusément dans une cohue de sexes gonflés, toujours plus empressés de s’enfiler toujours plus vite, encore plus fort, pour obéir sans l’avouer à l’instinct qui nous tyrannise. Cette horreur poilue en nous qui nous ordonne de nous dévorer, puis de nous multiplier, pour nous dévorer à nouveau, toujours d’avantage, encore plus. Chaque petite créature de plus sur cette terre n’est qu’un sacrifié en position d’attente, un pion dans le jeu des puissances, humaines ou naturelles, un petit agneau à saigner, ou un soldat en partance, occupant toute sa vie et son esprit à brouter les déchets qu’on lui jette.

Car oui, la vie, c’est la guerre. Une illusion guerrière et pénible comme un long chemin de croix. Et alors, la mort… la paix ? Ou bien encore un autre calvaire ?

Et si la mort n’était qu’un portail vers une autre vie, une vie pareille, aussi ridicule, inutile et craintive, à quoi bon ? Un monde miroir, une rive identique, ou la résurrection, à quoi bon ? S’il faut recommencer de crier, de frapper, de geindre, même après la mort… à quoi bon ? Mieux vaut le néant, les ténèbres invincibles, et l’indolence absolue, à ce cinéma pathétique, à ce cirque irrésolu, à cette confusion meurtrière, ces appétits déchirants, ces rancunes imbéciles, à nos appels jetés dans le vide, et qui demeureront à jamais sans autre réponse que ce pauvre écho qu’on se rend à soi-même… Oui, pourvu… Pourvu que la mort soit une libération. Un repos éternel, immobile, et blanc, creux… Comme un sommeil sans rêves, un assommoir immédiat, pour une absence totale, et sans retour.

Oh oui, pourvu qu’elle soit douce, si douce. Mais surtout terminale.

Et qu’on n’en parle plus. Jamais.



Pensez-y : tout cela je l’ai écrit juste avant de mourir pour la première fois. C’est entré dans mes carnets une semaine avant ma chute. Comme une espèce d’affreuse prémonition. À laquelle, je précise, je ne croyais même pas moi-même en vérité. Je n’avais pas du tout pensé qu’il y aurait d’avantage que ce néant chéri, de l’autre côté du portail, à l’autre bout de la vie. Disons aussi que je n’ai jamais été croyant, hormis en moi, à des moments. Quant à Dieu, il n’avait jamais été pour moi pratiquement qu’une idole inutile, un épouvantail planté dans le champ de la conscience pour opprimer les faibles d’esprit, incapables d’assumer leurs propres dérives. Sinon, au mieux, Dieu, ou quel que soit son nom, une hypothèse, une éventualité à ne pas complètement négliger, au cas où, mais sans réelle importance. Car sans influence manifeste, où qu’on regarde un seul instant.

Je m’étais toujours évertué à concilier une âme romantique et un esprit cartésien. Le tout dans un corps assez fragile, certes. Assez peu taillé pour le combat. Mais quelle importance encore ? Je ne croyais non plus ni aux monstres, ni aux héros. J’étais persuadé depuis l'enfance qu’il n’existait qu’un univers et qu’il était vide et quasiment sans intérêt, sans autre divertissement que ceux générés par ses petites manies à soi, ses vilains petits vices, nos quelques obsessions, passagères ou pas, toutes ces choses très futiles dont on se bourre la tête pour éviter de penser à quelque chose de pire, c’est évident. Pour se donner une raison de tenir debout, de se lever chaque matin. En n’oubliant pas d’oublier de se rappeler le temps qui passe, et « la pendule qui ronronne au salon, qui dit oui, qui dit non… Qui nous attend. »

Pour ça, ma surprise en fut d’autant plus grande, quand Elle me proposa son marché piégeux. Je m’y suis jeté tête la première et sans rien me demander, comme une phalène attirée par le feu. Il fallait bien que j’en perde mes ailes une bonne fois pour toutes. Tandis que je mettais les doigts, sans m’en rendre compte, dans un mécanisme de loin plus puissant que moi. Dans un engrenage inhumain qui depuis me broie et me ridiculise, m’humilie à toutes les sauces, jour après jour, nuit après nuit.

Et dire que cela ne va qu’empirer encore.

Je serais, en effet, fantôme après ma deuxième mort, tout à fait imminente. Définitivement rien de plus qu’une ombre mélancolique, un revenant triste, aigri, gémissant, sinistre, pathétique… Condamné au labeur et à la soumission, à rendre pour l’éternité un travail qui me lamine et le cœur et l’ego. Je ne pourrais pas songer dans mon cas un enfer plus à propos. Car aucune masturbation ne me dégoûte plus que la masturbation commerciale. Et pourtant, en matière de masturbation, je ne suis pas loin d’être un expert. Qu’elle soit uniquement littéraire, d’ailleurs, ou bien plus organique à proprement parler.

Et quand je ne serais plus qu’un spectre vague, une vapeur d’humanité, et de plus en plus insaisissable, comme la mémoire des jours en mer, des paysages égaux, et de tout ce qui nous est au fond indifférent, serais-je encore capable de tirer seul et de mon propre corps le soulagement, le plaisir, la douceur d’arriver à satisfaire sans personne un désir aussi évident que nécessaire ? Ou bien mes doigts passeront-ils à travers de mon engin, ma chair alanguie… Et ressentirais-je encore seulement le besoin de me plier à ces recherches frivoles concernant le corps et sa reproduction, qui passe immanquablement par la collision des sexes, qu’ils soient semblables ou différents, quelle que soit la combinaison du couple ? Ni le nombre d’ailleurs des partenaires…

Enfin je saurais tout ça bientôt. Et plus encore. Bien trop tôt, au fait, beaucoup trop précocement à mon goût. Mais cette fois-ci, ce ne sera pas ma faute, je ne l’aurais pas voulu. Le hasard seulement est responsable, comme à peu près de tout dès qu’on remonte un peu le fil des causes. Tout au bout du compte, il n’y a plus que des accidents. Un accident qui a mis ce monstre sur ma route. Un accident aussi qui mit cette rivière et ce pont devant moi, sous mes pieds, il y a neuf ans. Un accident que je passe après entre les mailles de toute vigilance et que je coule comme un bronze dégueulasse au fond de la cuvette. De toute façon, c’était un accident toujours qui plaça la pouffiasse incriminée dans ma vie, et rien que pour le pire. Enfin bref, des accidents, des remords, j’aurais bientôt, je l’ai dit, l’éternité devant moi pour continuer d’en démêler le vrai du faux, d’en étudier tous les ressorts, de m’en raconter l’histoire infiniment, jusqu’à m’en dégoûter mille fois. C’est mon vice, ma croix, mon démon. Et ce cerbère unicéphale, sans doute mon châtiment.

Et je pouvais déjà sentir son haleine fétide, brûlante, sur mon visage, quand un miracle arriva. Sous la forme inattendue et bouleversante, assourdissante surtout, d’une détonation incroyable, comme un coup de tonnerre à bout portant. J’écarquillais sitôt mes paupières pour voir à temps la face hideuse du monstre se désintégrer à moins d’un mètre de moi, dans une explosion soudaine de petits bouts de fourrure, d’os et de cervelle. J’en recevais même une bonne part directement sur la figure, dans les yeux, la bouche, le nez… Je ne pensais pas non plus un jour découvrir la saveur d’un encéphale saupoudré de poils mouillés et de poussière de crâne de chien mutant made in UDC. Eh bien, c’est immonde, vraiment ! À vomir ! À vouloir s’en arracher la langue avec les doigts. Mais comment purger ma mémoire de cette expérience, oublier jamais l’horrible goût de ce terrifiant gloubiboulga génétique…

La réponse est en réalité sous mes yeux, dès maintenant. Absolument pas vilaine du tout, elle, la réponse. Féminine à crever même, si on excepte peut-être la tenue de bataille et l’énorme flingue entre ses mains, dont la gueule fume encore… Il parait qu’il y en a que ça excite tout spécialement, les nanas armées. Drôle de fantasme à mon avis, mais qui suis-je pour juger ce genre de choses. Chacun ses petites déviances, après tout. On en a connu des pires, des bien plus originales aussi… Largement assez bien roulée la fille pour mériter autre chose, pour éviter de ma part une entrée en matière à base de « je crachais copieusement mes tripes sur ses jolies bottes en cuir moulé ». Et dans un acte héroïque, dans un élan de bravoure inégalable, et pour éviter instinctivement de compromettre avec elle mes chances à tout jamais, j’avale d’un coup ma salive, et toutes les ordures contenues dedans. Deux ou trois efforts surhumains plus tard, je parviens aussi à réprimer un haut le cœur qui menaçait de tout lui renvoyer sur sa face de nymphette guerrière, aux yeux luisants, et aux traits de poupée, alors qu’elle me questionne et me fouille.

Tout du long de son interrogatoire, assez sympathique en vérité, je reste immobile et muet, tétanisé par la peur de me mettre à gerber partout, maintenant que les nerfs en plus se relâchent. Il me suffirait d’entrouvrir la bouche, je sais, pour qu’un geyser malodorant jaillisse entre mes dents, qui ne pourrait pas l’épargner… Oh. Mon. Dieu. Si j’en suis réduit à user cette expression que je déteste, c’est que je me suis rarement senti aussi mal de toute ma vie. Si je suis un peu blanc ? Ouais, tu m’étonnes ! Et un peu jaune aussi, sur les bords, j’en suis sûr. Couleur de nausée et de peur. En somme, exactement celle d’un préservatif usagé, et qui empeste, oublié depuis la veille dans la corbeille à papiers sous le bureau Ikea d’une chambre d’ado. C’est-à-dire que là tout de suite, je me sens pratiquement tout aussi moite et pitoyable que ça. Donc l’image est bonne, aucun doute.

Coupé, on la garde.

Sauf que je ne vais pas pouvoir demeurer opiniâtrement les mâchoires serrées toute la nuit. Je suppose qu’elle va finir par s’impatienter si je m’enferme encore longtemps, par sécurité avant tout, dans un mutisme délicat, à tenter tant bien que mal d’équilibrer les flux qui me secouent l’estomac comme une houle enragée. Je vais bien devoir risquer le tout pour le tout et lui donner la satisfaction d’une réponse à peu près articulée. D’autant que, je rêve ? Ou bien l’amazone de compète vient véritablement de m’inviter à me biturer la gueule en sa compagnie, peut-être pour… quoi ? En quel honneur, et qu’est-ce que…

Non, c’est idiot ! Je perds décidément les pédales. Mes oreilles ont dû confondre l’écho de mes désirs secrets avec je ne sais pas trop quoi, sans doute plutôt un adieu expéditif. Mais même après avoir passé une main tremblante sur mon visage pâle, en espérant me donner du courage ainsi, ou percer le voile d’une quelconque illusion, rien ne change. Mon cerveau ne modifie pas le diagnostic a posteriori. Il faut me faire une raison. Et que je ne déçoive pas non plus ses attentes. Et comment le pourrais-je mieux que comme ça ? Hein ? En bafouillant des bêtises, alors que mes yeux louchent dangereusement sur la faille bien placée dans sa combinaison, sur toute la chair qu’elle révèle et les ombres marquant la naissance de quelque chose de doux et de beau…

- Je, de, heu… je… oui ? Oui… Oui ! Oui, je veux dire, ouais ? Est-ce que… Est-ce que j’ai… Vous voulez dire vous et moi ? Enfin si… Oui, bien sûr ! Je suis désolé, non, je… je crois que tout ça est allé un peu vite. Excusez-moi. Cette chose, là… avec la tronche en confettis… Et puis vous, non pas que… Mais, ce que je veux dire. Je suis… surpris. Oui, le mot est un peu faible peut-être. Un euphémisme, quoi. Merde. Vous disiez, on disait ? Mara, Mara-be-lla, c’est ça ? Cédric, moi, enfin vous le savez déjà, puisque… Est-ce que je dois vous appeler Commandante et vous saluer, comment ça se passe ? Oh quel con… Laissez tomber. Oui, j’ai soif, c’est une bonne idée. Oubliez si vous pouvez toute cette bouillie qui sort de ma bouche, au moins j’ai avalé les pires morceaux – j’me comprends… Donc ! Crimson Beer ! Si vous avez pas déjà envie de fuir très loin, j’en serez honoré, sans doute, déjà que vous m’avez sauvé la vie, je suppose que je peux bien vous inviter, pour commencer. Non pas que, que, qu’une suite… C’est par où ? Je la ferme, promis, juré, et je vous suis, où vous voulez. Je suis seulement un peu perdu. Drôle de nuit…

Oui, une drôle de nuit, comme tu dis, ducon… Suis-là maintenant, si elle veut seulement encore de toi. De toute façon, je vais le faire. Avec ou sans elle, j'ai bien besoin d'une bière, et d'une autre, et puis d'une autre, et certainement au moins d'une autre encore...
Ven 31 Jan - 17:45
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Marabella-Rose Canterbury
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Marabella-Rose Canterbury
Il semblait vouloir me dire quelque chose. Oui, je crois bien, qu’il était en train de se passer quelque chose dans sa tête. Allez savoir quoi. J’avais pu observer, au cours des années, que la peur avait toujours eu tendance à griller quelques neurones à ceux qui la recevait de plein fouet. Et de plein fouet, il l’avait vécu cette peur ce soir. Vu sa mine déconfite, sa couleur de plus en plus jaunâtre, et le tremblement de sa main qu’il se passait sur le visage comme si ça allait servir à quoi que ce soit, c’était plutôt clair. Il avait était tétanisé et le choc de l’explosion l’avait brusquement réveillé. Et maintenant, me voilà. Tout aussi sale que lui, sauf que j’avais eu la présence d’esprit de fermer la bouche contrairement à ce pauvre type qui déglutissait difficilement. Ah ça c’était l’expérience. De la cervelle j’en avais avalé, souvent, à mes débuts. Maintenant, je savais déplacer mon visage suffisamment de côté pour échapper au maximum aux pires lambeaux sanguinolents. J’avais pitié de lui. Jusqu’à présent, tout du moins jusqu’à ce qu’il ouvre la bouche pour me parler, j’avais réussi à me contenir. Cependant, après ce flot ininterrompu de paroles, je dus me retenir d’exploser de rire. Le pauvre, il était complétement perdu. Moi qui croyais que les employés humains de Vivante se faisaient assez vite à ce genre de chose, je m’étais trompée. Il était vrai, après tout, que je n’avais que peu de contact en dehors de l’Ordre et de RIP Pharma, trop peu de contact pour comprendre réellement ce qui était en train de lui arriver.

- Marabella-Rose.

J’avais parlé calmement, d’une voix très douce, pour ne pas le brusquer avant de m’avancer d’un seul pas. Ma poitrine touchait presque son torse alors que mon regard, jusqu'alors plongé dans le sien, parcouru l’arrête de son nez, la cambrure de sa bouche, sa mâchoire tremblante pour se loger dans son cou. D’ici je pouvais imaginer, alors que son cœur battait à tout rompre, chacune des veines qui parcouraient sublimement l’intérieur de son être. Je les voyais, si pleines de sang, s’activer pour maintenir son enveloppe tellement faible et humaine en vie. Je m’approchai un peu plus, humai l’odeur de sa peau, oubliant les restes sanglants du crane du CDNO contre lui, pour déposer, presque trop tardivement, un doigt au niveau de sa carotide. J’appuyai légèrement, trouvant plaisant de sentir son corps se tendre à mon contact avant d’entrouvrir mes lèvres pleines. Il serait si simple de le mordre maintenant, de me remplir et de me nourrir de lui. Si simple de le vider pleinement, lui faire oublier toute chose sauf le contact de mes dents contre sa peau, de mes lèvres contre son cou et de sa chaleur qui le quitte peu à peu. Bien sûr, je ne l’aurais pas tué, non, je l’aurais laissé revenir à moi encore et encore jusqu’à ce que je n’en puisse plus. Il y avait des sangs qui me plaisaient, ceux des employés de l’Entreprise qui avaient déjà connu une première mort plus particulièrement. Il restait dans leur goût, dans leur essence, la peur fugace du trépas. Et un sang qui avait connu la terreur était si parfait, si succulent, que j’aurais pu être repue pour un bon moment.

Mais il était encore trop tôt, et j’étais lasse de me nourrir dans des ruelles sombres et sales. Je valais mieux que ça, eux aussi, et il n’était plus de mon style de croire que je pouvais me satisfaire de coups rapides et sans importances entre deux poubelles et le gisement d’un pauvre drogué qui s’était abandonné ici. Alors je me retirai, haletante, déposant une main contre sa poitrine pour me forcer à me tenir assez éloigné de sa vivacité.

- Commandante normalement. Mais je suis en off depuis que j’ai signé les papiers que j’ai remis à l’équipe de nettoyage. Alors utilisez à bon escient, et comme il vous plaira, mon prénom.

Je lui souris vaguement, finissant de me détacher complètement avant de m’éloigner pour essuyer ce que je pouvais avec le bout de tissus grotesque qu’ils m’avaient fourni. Je retrouvais une certaine contenance, laissant la faim de côté à mesure que je contrôlais ma respiration. Puis je revins vers lui, lui tendis la serviette et m’étirai longuement. Mon bras me faisait souffrir et j’avais encore des courbatures liées à ma précédente mission. Tout ça n’était pas idéal, mais dirons nous qu’il saurait peut-être se montrer divertissant.

- Nous avons tout le reste de la nuit devant nous, je serais ravie que vous m’invitiez Cédric. C’est par là.

Crimson Beer était seulement à trois minutes de marche, tout au plus, il nous suffisait de remonter la grande rue transversale à notre ruelle pour l’atteindre. Perdue entre de si nombreux immeubles il fallait connaître l’accès suffisamment pour le trouver au milieu de la nuit noire. L’enseigne cramoisi, si rassurante, se détachait entre les ombres des habitations. J’ouvris la porte, me détachai pour laisser passer Cédric. Je m’accoudai au bar, effleurai sa main, avant de lancer un bref signe de tête au barman.

- Je prends la même chose que lui.

Je fis une brève pause et me retournai, gracieuse, vers l’homme, passant une main dans mes boucles rosées.
Lun 3 Fév - 1:07
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Cédric Merciless
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C'était une drôle de fille, tout de même. Durant un moment, je n'ai d'ailleurs pas compris tout à fait ce qu'il se passait. Après que j'ai bafouillé mes histoires, me sentant pire que ridicule, elle s'est approché de moi, jusqu'à me renifler la chair du cou, et il y eut un moment de flottement bizarre... Une tension étrange, qui me laissait haletant, figé, immobile, alors qu'elle pressait son corps parfait contre le mien, beaucoup plus modeste... Et je n'ai pas compris pourquoi, vraiment, mais je me sentais prêt à m’abandonner totalement, presque disposé à lui offrir mon être et mon âme, aussi subitement que ça. Et puis elle arrêta, elle s'éloigna d'un pas ou deux, et je repris d'un coup mes esprits. Le tout en l'espace d'un temps qui me parut instantané, comme sous l'effet d'un charme aussitôt rompu. Ensuite, elle me céda, avec beaucoup de grâce, la possibilité d'utiliser son prénom. Et j'en fus curieusement heureux.

Il y avait quelque chose d'étrange, décidément, à propos de cette femme, quelque chose de surnaturel, et comme une aura qui l'entourait. Je fouillais ma mémoire à la recherche d'un indice. Quelques fragments de souvenirs me mirent sur la piste. En plus de son apparence anormale. Marabella, Rose, Canterbury, à bien y songer, cela me disait effectivement un truc ou deux. Elle était dans la sécurité, bien sûr, mais à un poste plutôt relevé, j'avais dû croiser son nom sur un registre ou au détour d'une quelconque conversation. Dans tous les cas, je n'avais pas devant moi du menu fretin, une pauvre agente dispatchée pour éliminer les horreurs mutantes échappées des sous-sols de l'entreprise... Et je me souvenais vaguement d'autre chose, de plus inquiétant, à son propos, qui expliquerait cette impression diffuse, comment dire... Oui, bien sûr, c'était évident, aucune autre explication ne pouvait convenir. Elle n'était tout simplement pas originaire de notre monde. Je ne voyais que ça. Encore un genre de monstre, mais joliment bien déguisé.

Alors j'ai attrapé la serviette qu'elle m'offrait pour me débarbouiller à mon tour. Et je commençais peu à peu à retrouver mes moyens, à oublier la bête affreuse qui gisait pourtant toujours à deux pas de là, la gueule éclatée sur le trottoir. Et ce, sûrement grâce à elle, et à sa présence un peu hypnotisante. Ce dont je ne risquais pas de me plaindre, préférant crever d'admiration magiquement induite que d'effroi terrible, évidemment... Même si j'avais bien du mal à me figurer ce qu'elle pouvait trouver d'intéressant chez moi, cela non plus, je n'allais pas le lui reprocher, vraiment trop heureux de pouvoir profiter un peu encore de sa compagnie délicieuse, de part l'aspect, en tout cas. Donc je l'ai suivi, sans rien rajouter, sans rien dire, de peur de m'emballer à nouveau. Je n'ai fais que la suivre, quelques courtes minutes, alors qu'on on s'écartait de la ruelle remplie de morceaux de cadavre pour retrouver l'artère principale de Moon Vine, en direction du bar qu'elle avait cité.

L'endroit en question, je le connaissais depuis longtemps. Et si la tête ne m'avait pas tant tourné, j'aurais pu très bien nous y conduire moi-même, mais voilà. Enfin, en pénétrant dans cette atmosphère obscure, mais chaleureuse à sa manière, entre les bruits du billard et les volutes de fumée de cigarette, et comme la salle principale n'était pas surpeuplée, à cette heure et en cette saison, j'en ressenti une forme de soulagement inattendu, et comme un regain inespéré d'assurance. Comme un retour soudain à plus de normalité, dans un monde réel, aux contours et aux lois bien connues. Je respirais, et je ne me sentais plus si déplacé, non plus, d'être là, déjà, à me trimballer aux côtés d'une créature aussi superbe, jouant dans une ligue au moins cinq ou six fois supérieure à la mienne, et que bien des mâles alentours se mirent immédiatement à lorgner, dès notre entrée, de façon plus ou moins subtile... Prenez ça dans les dents, bavez ! Bande de loosers... J'en jouissais d'un coup en silence, comme d'une sorte de petite revanche sur le tard, et discrètement...

Ceci étant, arrivés au niveau du comptoir, on s'assied côte à côte et j'hésite une seconde. Après tout, et comme entrée en matière, quelque chose d'un peu plus fort qu'une pauvre bière ne serait pas de refus, histoire de me remettre très vite les pensées à l'envers, et la confiance à cheval. Pour ça, je commande un rhum brun, la boisson des pirates, qui dégage bien les sinus et toute forme d'intelligence, et elle choisit de me suivre, par bravade ou par politesse, je ne sais pas. Enfin, c'est tout à son honneur. D'autant que si elle est bien ce que je crois, cela n'est sans doute rien pour elle, pas vraiment le genre de liquide qu'elle recherche, au fond. Et moi, dans tout ça ? C'est que toutes ses minauderies commencent à me perturber. Est-ce que je ne serais pas tombé de Charybde en Scylla ? J'ai besoin d'être sûr de moi, d'elle, de sa nature, de mon statut précis dans cette affaire.

Marabella, alors, enchanté... ! Ça fait quelque chose de se rencontrer dans des circonstances aussi mouvementées, et un peu crades aussi... Mais dites, je me posais la question, et puisque nous sommes dans le même camp, je crois qu'on n'a pas à se cacher... Arrêtez-moi si je vous embête, mais vous n'êtes pas... pas vraiment humaine, si ? Si je me souviens, j'ai cru comprendre... Il m'a semblé avoir entendu dire qu'il traînait dans les hautes sphères de la sécurité une certaine vampire magnifique... La description paraît coller, au moins pour ce qui est de l'adjectif. Ça me semble indéniable, sans vouloir... Mais pour le nom ? C'est ce qui m'intrigue le plus... Ragot, ou vérité ? Ce ne serait pas la première fois qu'on tente de faire passer une femme forte pour un monstre sanguinaire, simplement pour que les mâles puissent se rassurer, ou je ne sais quoi.

Comme ça, la bombe est lâchée, si j'ose dire. Autant mettre les choses à plat. Et si elle était vraiment une de ces prédatrices immortelles ? Alors moi, quel genre de fétu pathétique, de proie même, serais-je à côté d'elle ? Bizarrement, cette dernière idée provoque en moi plus d'intérêt que d’inquiétude, ce qui en dit long sur ma sénilité profonde... Et puis, à ce moment, les consommations arrivent. Alors je demande en plus.

Est-ce qu'on reste planté là à moitié debout, ou est-ce qu'on irait pas se trouver une banquette confortable dans un coin ? Ça éviterait aussi les regards et les oreilles trop curieuses...

Du coin de l’œil, j'avise une espèce d’alcôve libre, et plus sombre, non loin de là, qui paraît propice à une discussion détendue. Mais peut-être préfère-t-elle rester en pleine vue. Parce que, bien sûr, je pourrais l'intimider, hein ? Avec ma carrure de bulldozer hyper viril. La lumière la défendrait mieux, forcément... Enfin, à moi, l'un ou l'autre vont, de toute façon.
Lun 3 Fév - 16:14
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Marabella-Rose Canterbury
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Marabella-Rose Canterbury
L’on parlait de moi, pour une fois tout du moins, en des termes se rapprochant plus de ma potentielle dangerosité que de mes plans culs plus ou moins réguliers. Est-ce que j’allais le noter ? Totalement, c’était tellement rare que je n’allasse pas m’en priver. Alors j’explosai de rire et observai cet humain comme un petit animal délicieux, mais curieux. Le visage penché, la cascade de mes boucles rosés couvrait une de mes épaules alors que je rigolais à gorge déployée. Cet homme savait au moins poser les bonnes questions, celles qui taraudent profondément.

- Je vous montrerais ce que je suis, si vous êtes sage.

Lui murmurais-je dans le creux de l’oreille, effleurant son corps du mien, recherchant pendant quelques instants fugace sa chaleur. Puis j’attrapai ma consommation, trempai mes lèvres dedans, laissant les effluves de l’alcool pénétrer en moi, me languir déjà d’une douce moiteur. Je fis signe au barman de nous ramener la bouteille, j’avais à vrai dire bien des usages ici. Ils connaissaient tous, les habitués, mes manèges incessants. Tous étaient coutumiers de ma présence, la seule vampire au milieu de ces loups. Étais-je à ma place ? Potentiellement non, mais comme pour l’Ordre, cette situation, je l’avais méritée et travaillée et il était hors de question que je n’y reste pas bien accrochée. Alors j’acquiesçai silencieusement et pour toute réponse, j’ondulai, sans un regard pour lui, vers l’alcôve qu’il semblait avoir repéré.

Quelques gestes pour m’asseoir, croisant mes chevilles entre elles, les genoux collés, le visage souriant, impatiente. Je n’avais jamais était du genre à conter fleurette, a attendre qu’une discussion s’étiole pour vouloir rencontrer un corps. Mais avec lui s’était différent, il m’amusait suffisamment pour avoir envie de faire durer le plaisir. Il semblait avoir de la conversation, travaillait dans un service si éloigné du mien que je n’étais même pas obligée de le recroiser si jamais il s’avérait décevant. Et puis je me devais bien de l’admettre, j’avais un certain faible pour les hommes en costume. Surtout ceux s’approchant de la quarantaine et plus. À vrai dire, pour une fois, j’aimais le fait qu’il soit humain, tellement mortel et faible. Pour une fois, ce n’était plus moi qui étais en position de soumission, non, pour lui, j’étais l’inconnue, l’inaccessible, la maîtresse de la partie. C'était décidé, aussi tenace que cela serait, je me nourrirais de lui, trouverais sa chaleur, son envie, et chercherait à satisfaire chacun de nos désirs. Et pour ce faire, je l’écouterais me parler, comme pour le connaître, comme pour m’intéresser. Après tout, peut-être que Cédric le méritait.

- D’après ce que l’ont m’a dit au téléphone, vous seriez mort à vingt-sept ans. Cela vous ferez neuf ans dans l’UDC, sans l’avoir choisie. Je crois bien que nous devrions boire à ça.

Alors je joignis le geste à la parole et avalai d’un coup l’intégralité de mon verre, laissant la chaleur envahir ma gorge et se combler dans mon ventre. Bien vite, avec un plaisir non dissimulé, je sentis ma nuque se raidir, mes mains s’engourdir et je fermai les yeux quelques instants, suffisamment pour gagner peu à peu une détente douloureuse, mais méritée. J’aurais pu, finalement, rester ainsi et juste me laisser porter par les paroles ambiantes, les cris et les volutes de fumer. J’aurais pu m’endormir, oublier, me laisser partir, et voir demain matin ce que le monde me restituerait. Pourtant, et bien trop vite la bouteille promise arrivai. Soit. Je laissai le barman me resservir, tandis que je me rapprochai lentement de Cédric. J’avais tout d’une humaine pour le moment, les substituts marchaient aussi bien que les vrais, si on en oubliait mes cheveux. Le reste, ma peau aux teintes mordorés, mon corps assez bien formé et exploité, et mes iris d’un vert émeraude, tout aurait dû transparaître dans la normalité. Pourtant, malgré mon absence de canines, malgré mes pupilles encore existantes et non fondus dans des lucioles, je savais que je n’aurais aucune chance de me faire passer pour une humaine et surtout pas pour lui. Il aurait pu ne jamais entendre parler de moi, le simple fait d’être au courant de l’Otherside, lui permettait d’avoir suffisamment de piste sur ce que j’étais, et surtout sur ce que je n’étais pas. Et j’avais beau avoir était élevé au maximum comme eux, j’avais beau avoir était éloigné de ces grandes familles et leurs jeux, il n’enlevait en rien que je faisais parti des leurs. Que j’avais tout de la Carnival, la plus basique, la plus fragile, la plus exploitable.

- Vous avez votre avis sur ces rumeurs ?

Avais-je murmuré, d’une voix presque faible, avant de me rapprocher un peu plus de lui. Je pouvais sentir son souffle contre mon visage, humer encore l’odeur de son sang. J’étais si proche, si proche et j’avais tellement faim. Mais je ne voulais pas faire ça ici, pas comme ça, je voulais pouvoir me mélanger à lui si cela devait arriver. Je voulais pouvoir m’oublier, me noyer et le laisser s’empoisonner de ma présence. À genoux, je voulais le laisser prier pour me donner une bonne raison de rester, alors que je l’aurais déjà marqué. Un sourire félin, étira mon visage tendis que je m’approchai un peu plus de son être avant de souffler, à demi-voix, la dernière mise en garde que je pourrais lui adresser.

- Pourquoi ne pas fuir Cédric ?
Mer 5 Fév - 0:19
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Cédric Merciless
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Cédric Merciless


Mais dans quelle espèce de guêpier me suis-je donc encore fourré… Lentement, très lentement, trop lentement, je commence à réaliser qu’en échappant à la grosse bête poilue de tout à l’heure, je n’ai pas forcément fait une si bonne affaire, si c’était seulement pour tomber dans l’escarcelle d’une autre, entre les griffes acérées d’un tout autre type de prédateur… Le genre avec de jolies courbes affriolantes, une chute de rein à vous renverser l’univers, en plus d’une chevelure rose pétante, comme celle d’une reine de dessin animé, un visage délicat et superbe, aux lèvres pleines et luisantes, comme des fruits bien mûrs, à croquer, ainsi qu’un regard envoûtant, d’une profondeur abyssale… Le tout, à s’en damner.

Mais le pourrais-je ? Est-ce que je le pourrais ? Me damner, pour elle, encore une fois, pour une incroyable créature de chair, de sang, de seins, de fesses, et toute pleine aussi de mille promesses, sentimentales et charnelles ? Peut-être… C’est possible… Je ne vais pas faire l’insensible, au fond, me prétendre absolument au-dessus des tentations sublimes de la chair, et des interminables délices associés. Non, je ne suis pas une créature de marbre, moi-même, quand bien même je l’aurais souhaité… Pas une de ces statues blanches et fades qu’on voit s’éroder dans les jardins ou les galeries, sous l’action corruptrice des regards stupides et de l’haleine fétide des innombrables touristes… Pourtant, depuis mon rocher de cristal, où je me tenais si tranquille… Tout ça me rappelle trop une certaine poésie…




C’est bien moi, ça… J’ai tout contre moi une sorte de nymphette irréelle, démon à la figure d’ange, et qui n’en finit plus de me faire du rentre dedans, sans aucune espèce de complexe d’ailleurs, ou de discrétion, et pourtant, pourtant ma pensée dérive encore, mon esprit se porte toujours vers les mêmes rives, beaucoup trop intellectuelles, en la circonstance. Est-ce que je recherche dans la rime, dans la lettre et le mot, une façon de me réfugier, de mettre à distance toutes ces émotions qui me dépassent et me bouleversent trop souvent ? La littérature n’est-elle pas un substitut elle aussi ? Pire encore que la drogue, plus insidieuse, plus prétentieuse, que toutes les substances qu'on peut acheter, licites ou illicites… N’est-ce pas la seule manière, en vérité, que j’ai trouvé dans ma vie pour encaisser, déconstruire, puis reconstruire, en édifices imaginaires, toutes ces choses qui m’arrivent ou ne m’arrivent pas, et que je ne saurais pas voir ni supporter autrement qu’ainsi, à travers le filtre du rêve ? Celui qui transforme toutes mes peurs, des plus secrètes aux plus affirmées, en obsessions plumitives et pathétiques... De l’émotion refroidie, de la lave durcie, noire et sèche désormais, sur la terre blanche comme la page, bien après l’éruption, voilà ce qu’elle est, ce que je suis, tout ce dont je suis capable… Le sculpteur de mes propres restes, de la poussière de mon cerveau, l’encre tirée de mes veines grandes ouvertes, de mes échecs, de mes frustrations aussi… Un besoin de rattraper, comme je peux, tout ce qui m’a tant de fois échappé, tout ce que j’ai voulu, mais raté, tout ce que j’ai aimé, puis souffert, et enfin perdu… C’est tout cela, oui, tout cela, en effet…

Mais qu’est-ce que je raconte… Et quelle importance si elle me dévore ? J’appartiens déjà à la Mort, de toute mon âme, alors, mon deuxième corps, ou ce qu’il en reste, de ce que je peux toujours en faire, pourquoi ne pas lui céder à elle ? Je ne suis plus à un esclavage près… Qui pourrait prétendre, de toute façon, être exempt de la moindre dépendance ? Il faudrait être Narcisse et Orion réunis, amoureux de soi seulement et chasseur libre et furieux, n’avoir pas même de compte à rendre aux Dieux, ni à la Terre, aux lois de la physique. Car nous sommes tous dépendants au fond des milliards de réactions chimiques successives, de ce bouillonnement fondamental qui nous a engendré, et qui nous reprendra presque aussi vite, très bientôt déjà. Pauvres particules éphémères et si fragiles, plongées dans un bain de chaos gigantesque, et perdues sur cette toile noire en perpétuelle expansion. Comme les particules élémentaires, on se percute au hasard, au détour d’une accélération induite, on se rencontre sans raison précise, et de nos unions accidentelles, de ces frictions électroniques probabilistes, parfois on engendre d’autres particules plus petites, puis plus grandes, des morceaux de nous, qui se séparent de nous à la première occasion, et qui vont à leur tour se lancer dans l’espace, vers d’autres collisions, d’autres accidents, et puis se dissoudre après nous, longtemps après, à ce qu’on espère, mais qu’on ne choisit jamais…

Et je recommence, je recommence encore ! Décidément… Je ferais tellement mieux de me gaver très, très vite, à grand renfort d’alcool, pour oublier enfin de réfléchir et de m’appesantir sans fin sur le sens des choses et la face du monde, sur les raisons et les ficelles de ma pauvre petite psyché frelatée ! Pour endormir quelques heures ce besoin furieux que j'ai de tergiverser sans fin... Puisqu’il est clair que la donzelle n’est pas du tout d’humeur à disserter avec moi. Je doute que quelques élucubrations platoniques lui servent d’agréable mise en bouche, de préliminaires adéquats ! Moi j’ai toujours préféré les filles avec de l’esprit… Plaisir d’homosexuel, écrivait Renard dans son journal. Peut-être, après tout. Sans doute je devrais me pencher de ce côté-là de la lune pour finir, pour continuer… À force de me faire enculer par la Vie, puis la Mort, et puis la Vie encore, je suis sans doute déjà prêt à passer ce cap. Passer de la métaphore à l’action, et pourquoi pas, en fin de compte ?

Mais pas ce soir. Le prochain, peut-être, dès la prochaine déception, mais pas ce soir… Non, ce soir, c’est elle, c’est moi, c’est nous, c’est cette chose étrange et absurde qui semble naître, ce désir irrégulier, cette flamme dérangeante, non pas interdite, parce que rien n’est interdit, hormis dans les textes de lois, mais tout de même, il reste quelque chose de défendu, dans tout ça, de déplacé, et je ne saurais pas dire exactement en quoi, ni pourquoi… Un reste de moralité chrétienne qui me plombe sournoisement ? Qui m’empêche de me comporter comme l’animal qu’elle voudrait que je sois ? Peu importe. Que j’arrête un peu de songer à moi. Maintenant, je ne dois que me concentrer sur les manières de me montrer à peu près à la hauteur, de réussir au moins à faire bonne figure, ne pas me liquéfier totalement, bien que la tentation soit grande, que l’excitation tourne à l’angoisse si facilement, et sans prévenir.

Il me faut plus d’alcool, toujours. Heureusement, la bouteille arrive, nous rejoint, ainsi qu’elle l’a voulu. C’est que j’ai à faire à une bête féroce, on dirait. Une engloutisseuse de boisson, et d’hommes. C’est bien ce que je craignais… Enfin, tant pis pour moi. Le tout étant d’assurer en essayant de ne pas glisser, de ne pas la laisser pénétrer dans ma tête, ma peau, ma carcasse. Ne pas lui permettre d'imprégner ni mon cœur, ni mon âme, de son image, de son odeur, du désir de sa présence, du besoin de son regard, d’entendre au plus près chaque jour le son de sa voix… Un jeu dangereux, donc, terriblement risqué, sans même parler de ses crocs qu’elle pourrait planter dans ma jugulaire, si jamais sa véritable nature devait se révéler aussi mortelle que ça… Après tout, il y a des manières moins enviables de partir, de s’abandonner, que de finir en sucette à vampire… Spécialement lorsqu’ils sont aussi jolis qu’elle. À quoi bon m’en faire ? Un enfer ou l’autre, de toute façon. Autant choisir le plus délicieux des deux. Le plus brûlant aussi.

- Ce que je crois… c’est que je suis dans de beaux draps. La rumeur est la rumeur, mais je vois ce que je vois. Et je vois une jeune femme particulièrement décidée à obtenir ce qu’elle souhaite. Et ce qu’elle souhaite parait tout aussi clair, évident. Quant à savoir le rôle que je dois jouer exactement… Je l’envisage mais je ne suis pas si certain qu’il me plaise…

Et c’est le moment qu’elle choisit, justement, pour se montrer un peu plus convaincante encore. En me serrant de si près, et voilà d’ailleurs qu’elle recommence son manège, et j’ai comme l’impression qu’elle devine déjà le goût de mon sang, et je me sens presque aspiré vers elle. À partir de là, le doute n’est plus vraiment permis. Il faut me rendre à l’évidence, elle a jeté son dévolu sur moi, qui ne suis sûrement qu’un repas de plus à ses yeux, un petit bout de viande bien juteux, à dévorer rapidement, le digérer, l’éliminer, et l’oublier à tout jamais… Même pas une passade, à peine un jouet, mais saurais-je en dire autant ? Saurais-je y survivre et m’en remettre ? Récupérer ensuite assez de contenance, et assez vite, pour ne pas m’en vouloir encore durant des années ? D’avoir encore usé mon enthousiasme, déjà si rare et précieux, sur une autre de ces garces ignobles, au cœur de glace, et à la chatte en feu ?

Elle a bien raison ! Oh oui, je devrais, absolument, m’enfuir, et tout de suite, en plus ! Je devrais disparaître de sa vue, la faire disparaître de ma vie, l’éradiquer de ma conscience tant qu’il est temps, et aussi vite qu’elle est apparue, dans un éclair assourdissant. Dans un coup de tonnerre grandiose… Mais cela doit me rappeler aussi que je lui dois la vie. Et qu’elle a fait tout ce chemin jusque-là, bien qu’elle m’ait invité la première. Est-ce que je ne serais pas ignoble moi aussi de m’en détourner maintenant ? De l’abandonner à sa soif sans lui laisser l’occasion de se repayer à mes dépends, de se rembourser sur moi de ses efforts du soir ? Ce ne serait pas correct, je crois. Si je devais la laisser s'en aller bredouille, vide et triste, frustrée, de ce bar ridicule, je me sentirais un peu mal pour elle, même si je ne devrais pas, foutre non… Mais à la fin, c’est donc par politesse que j’abdique ! Foutu moi !

- Fuir, oui, sûrement… J’y pense en ce moment même, à vrai dire… Mais je… Je ne sais même pas si je peux… Je devrais, mais est-ce que je peux ? Et puis, vous m’avez l’air seule, et si affamée… Je ne sais pas si je peux vous, si je peux t’apporter satisfaction, d’une manière ou d’une autre, mais peut-être que je te dois au moins ça… Un verre ne rachète pas une vie, même une bouteille, non ? Alors buvons plutôt à vous, à toi, d’avoir tiré un misérable comme moi des griffes d’une mort certaine. Tout ça pour le récupérer… Je ne peux pas prétendre être forcément la bonne pioche, mais je veux bien essayer de m’y faire… Ce n’est pas mon habitude de servir comme ça, pas à ça, en tout cas… Pas tellement par choix d’ailleurs. J’ai tendance à trop m’étaler, c’est tout, à faire fuir par excès de vanité, de parlotes. Voyez, tu vois, ça recommence…

Alors je bois, un coup supplémentaire, pour faire cesser le flot des mots qui jaillissent d’entre mes lèvres, presque malgré moi. Encore ma maladie, mon démon, ma croix, je l’ai dit. Je ne devrais vraiment pas me montrer si farouche. Elle est très belle et je ne peux pas mentir, ni à ce sujet, ni au sujet de mon désir, que je sens grimper comme la fumée d’un feu, depuis le fond de mes entrailles, qui m’envahit peu à peu la poitrine, me fait tourner la tête. Ou bien n’est-ce rien que le rhum ? Les deux se confondent, de toute façon. L’important c’est le brasier. Elle ne fait que souffler dessus, et je le sens qui me mange de l’intérieur, de plus en plus fort. Je sais que je ne vais pas lui résister, pas bien longtemps, en tout cas. Non, pas plus.

- Est-ce que tu as un endroit à toi ? Quelque chose dans le coin, ou ailleurs ?

Voici donc le signal de ma reddition, de ma capitulation définitive, inconditionnelle. Profites-en tant qu’elle dure, tant que mon avis tiens. Pour peu que mon avis compte encore, en réalité. Qu’il ait jamais compté ?
Mer 5 Fév - 3:51
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Marabella-Rose Canterbury
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Marabella-Rose Canterbury
Je n'avais pas assez appris, sentie, remontée au cours de mon échine, au cours de mon ventre et de mes crocs, jamais dans mes mains, je n’avais fait ce que tout né-vampire avait fait. Non, je n’étais pas de celle qui avait possédé jusqu’à sentir la mort gagner mes membres, mes entrailles, mes teneurs. Je n’étais pas de ce genre là et pourtant je ne pouvais me fondre dans la vague des néo-vampire, tout simplement car j’avais ce besoin impérieux, tenace, vivace, de mordre, de bousiller, d’avaler d’un seul coup l’âme et la vivacité de n’importe lequel de ses grouillots rampants. J’avais étais modifiée, exploitée, humiliée, pour en arriver là, pour être celle-ci, un mélange bâtard, grotesque entre une humaine et une vampire. Il n’enlevait que j’avais ce vil sentiment, cette chaleur au bas-fond de mon ventre, entraînante, brûlante, que je me devais de nourrir, de combler. Et je n’en avais jamais assez. Oh grand Dieu, non, jamais. Alors qu’il fasse l’affaire ou non, qu’il soit consentent de bonheur ou qu’il ploie par excès de politesse, je m’en moquais. Le plus important, c’était ce qu’il avait et ce qu’il pouvait m’offrir.

Bien. Je soupirai et aisément, je fondis. Quelques secondes seulement pour monter à califourchon sur lui, trouver son cou, chercher son pouls et puis le goûter d’un coup de langue. Mordiller sa peau, si faible, sans la percer, et respirer son odeur un peu plus, encore, m’en imprégner, tandis que déjà mes mains s’activaient. Je savais où était son portefeuille, il me fallut un instant pour le sortir et le déposer sur la table. L’autre, pourtant, continua sa chute, mes doigts trouvèrent sa peau brûlante dans l’interstice entre deux boutons, caressèrent son ventre. Puis je me reculai, assez pour pouvoir plonger mon regard dans le siens alors que déjà, mes prunelles se transformèrent. Il n’y avait plus d’iris, plus de pupilles, plus que deux lucioles brillantes, brûlantes, qui plongèrent dans les siennes, cherchèrent son existence toute entière pour s’en nourrir.

- Tu ne peux plus fuir maintenant.

Murmurais-je déposant mon front contre le siens, et d’un sourire carnassier, je soufflai doucement sur ses lèvres avant de me retirer totalement. Quelques roulements certains, gracieux, pour arriver au bar, muni du portefeuille de Cédric. Et la négociation débuta. Je savais parfaitement qu’il y avait un studio de libre à l’étage, et je savais parfaitement qu’en promesse de quelques charmes et de billets verts, je pourrais y accéder. Il ne fut pas bien difficile à convaincre, et déjà, je serrais les clés dans mes mains frêles, expertes. Un signe de tête pour lui enjoindre de me suivre, et soupirante, tremblante d’un désir difficile à contrôlé j’ouvris une porte dérobée, grimpa quelques escaliers avant de découvrir, sous une mansarde bleutée, un minuscule appartement où trônait un lit gigantesque, presque trop démesuré, où les draps faits et brillants semblaient nous appeler. Puis je fermai la porte. Trop tard mon amour éphémère, ton sort était maintenant totalement scellé.



Et je lui fis signe d’approcher, pour enfin, déposer mes lèvres contre les siennes, brunir son âme de mon contact, de mon apposition. Parcourir sa nuque, son dos, griffer et caresser, souffrir et apaiser.

- Enlèves mes vêtements.

Avais-je soufflée, perdue, humidifié, d’un désir encore plus grand, encore plus violent.
Jeu 6 Fév - 8:50
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Cédric Merciless
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À partir de là, tout, absolument tout s'est mis soudain à vriller. Et de plus en plus vite encore, à une vitesse bientôt hallucinante. L’alcool remportait enfin la bataille, l'emportait sur mon sang et mon esprit. Je voyais déjà les lumières se dédoubler devant mes yeux, et le plafond vaciller, et puis le verre dans ma main, tanguer de plus en plus. Je sentais monter à l'intérieur une douce chaleur, comme un gros nuage de coton gris, m'enveloppant la poitrine et le crâne, si rassurante et si agréable que je n'avais désormais qu'une envie, c'était de me laisser emporter par elle, de continuer de flotter sur ce doux nuage jusqu'à l'infini. Il fallu que, dans son ardeur empressée, elle me grimpe d'un coup dessus, sans crier gare, qu'elle m'enfourche sauvagement, pour me tirer un peu de cette délicieuse médiation, pour évacuer un peu les brumes qui envahissaient maintenant tout mon cerveau. Au corps à corps avec elle, c'était un autre désir qui se pointait. Il naissait beaucoup plus bas, tout en bas du ventre, logé au creux de mon bassin. Je n'étais pas encore ivre au point d'en être rendu indifférent même aux appels de la chair. Tant mieux. Car elle ne l'aurait sans doute pas permis. Elle ne m'aurait pas laissé m'enfuir la queue entre les jambes, de toute façon... Elle me tenait, j'étais sa proie, à peu près volontaire, et donc voilà. Tant mieux, tant mieux, et puis tant pis, aussi.

Ensuite elle manipula ma veste, fouilla dans mes poches intérieures, pour en tirer mon porte-feuille, et je n'étais pas vraiment très sûr de comprendre pourquoi. Mais la volonté me manquait totalement, à présent, de me rebeller contre cette intrusion nouvelle. Elle me manquait pour tout, ou presque, en réalité.
Lun 10 Fév - 15:04
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Marabella-Rose Canterbury
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Mar 11 Fév - 13:45
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Mer 19 Fév - 23:42
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